Les Signares du Sénégal

Publié le par Aurore Holmes

Les Signares du Sénégal

« Joal! Je me rappelle. Je me rappelle les signares à l'ombre verte des vérandas Les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève. » - Léopold Sédar Senghor, Joal, Chants d’ombre (1945)

Belles, mais extrêmement redoutables en affaires, ces femmes puissantes, les signares - du portugais señoras - apparaissent dès le XVe siècle sur la frange littorale de l’Afrique s’étendant du fleuve Sénégal à la Sierra Leone., sur divers sites : Gambie, Bissao, Casamance, Rufisque, Joal et surtout à Saint-Louis-du-Sénégal et à Gorée.

Signare, lithographie publiée dans les Esquisses sénégalaises de l'abbé David Boilat (1853)

Signare, lithographie publiée dans les Esquisses sénégalaises de l'abbé David Boilat (1853)

Ces femmes étaient apparentées aux rois et chefs africains et épousaient des bourgeois ou aristocrates français et anglais. Ces mariages étaient des mariages d’affaires appelés « mariages à la mode du pays » et ne duraient parfois que le temps du séjour du conjoint européen. Largement pratiqués, ils furent à l’origine d’une importante communauté métissée et très riche. Ils étaient autorisés par la monarchie française et par l'Église. Les enfants portaient le nom de leur père et leurs droits en matière d'héritage étaient reconnus.

Intérieur de signare, gravure publiée dans la Côte occidentale d'Afrique du colonel Frey (1890) - aquarelle inédite de Darondeau — Bibliothèque nationale de France

Intérieur de signare, gravure publiée dans la Côte occidentale d'Afrique du colonel Frey (1890) - aquarelle inédite de Darondeau — Bibliothèque nationale de France

Les signares mettaient à disposition leurs bâtiments et leurs esclaves ayant un statut de domestiques (« captifs de case ») spécialisés dans différents corps de métier : traitants marins, charpentiers, etc. Elles avaient des pouvoirs locaux, des réseaux marchands utilisés par leurs conjoints qui, eux, n’avaient pas le droit de commercer en leur nom propre. Ainsi s'organisait un commerce de gomme arabique et d'or, en contrebande, vers l’Europe.

Un bal de Signares (mulâtresses) à Saint-Louis (Sénégal) (illustrations de Côte occidentale d'Afrique du Colonel Frey - Pl. en dble page après p.11 [Cote : Réserve A 200 386] - BNF

Un bal de Signares (mulâtresses) à Saint-Louis (Sénégal) (illustrations de Côte occidentale d'Afrique du Colonel Frey - Pl. en dble page après p.11 [Cote : Réserve A 200 386] - BNF

Le rôle des signares dans la traite des esclaves n’est pas clairement démontré. Il est cependant établi par certains historiens qu’elles rachetaient les esclaves d’origine sénégalaise afin de leur épargner une traversée vers les Amériques. Ceux-ci devenaient des « captifs de case ».

Les signares disparurent dès le milieu du XIXe siècle. Avec l'arrivée au pouvoir de Napoléon III, le général Faidherbe est nommé gouverneur du Sénégal en 1854 et s'installe à Saint-Louis. L'abolition de l'esclavage en 1848 modifie l’économie du Sénégal. Le commerce de la gomme est remplacé par celui de l'arachide. De nouvelles lois apparaissent sonnant la disparition progressive du pouvoir matriarcal des signares et de leur puissance économique. Cependant leurs descendances métissées jouent un rôle politique et économique de plus en plus affirmé à partir du milieu du XIXe siècle.

Image de couverture: Dessin de G. Boulanger d'après une aquarelle de Edouard Nousveaux (vers 1840).

(Pour en savoir plus sur les signares : Femmes d’influence: Les signares de Saint-Louis du Sénégal et de Gorée, XVIIIe- XIXe siècle. Etude critique d’une identité métisse (Hémisphères Editions) – Guillaume Vial)

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