De rares photos de 1864

Publié le par Aurore Holmes

De rares photos de 1864

De rares photographies de 1864 marquant l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis

 

La photographie, telle que nous la connaissons actuellement, date de 1839 et les reproductions photographiques industrielles débutent en 1854. Ces dernières s’imposent rapidement en tant que témoignages des réalités sociales de cette époque. Aux Etats-Unis, cette période correspond à la guerre de sécession (1861 - 1865) et à l’abolition de l’esclavage. Le 1er janvier 1863, le Président Abraham Lincoln publie la proclamation d'émancipation, libérant tous les esclaves du territoire confédéré sudiste et le 31 janvier 1865, le Congrès adopte le 13ème amendement à la Constitution fédérale, qui abolit définitivement l'esclavage sur l'ensemble du territoire américain.

Cette conjonction d’évènements, se manifestant par l’émancipation des esclaves et par l’exploitation naissante des procédés photographiques, mène à la réalisation en 1864, de photographies exceptionnelles, présentées dans cet article, d’enfants récemment libérés de l’emprise de leurs maîtres.

Le contexte social et les motivations des donneurs d’ordre se révèlent très particuliers et intéressants à examiner, à travers différents angles : social, économique et enfin un angle publicitaire de masse. En effet, elles sont destinées à des cibles précises : les éventuels philanthropes ainsi que les travailleurs blancs de la classe moyenne des Etats nordistes américains.

Cette campagne consistait en une tournée publicitaire, dénommée « photograhies d’esclaves émancipés – blancs et de couleur », dans les Etats de l’Union. Elle était organisée par l’association nationale Freedman, l’association des missionnaires américains et des membres de l’armée unionniste, tous engagés dans les actions abolitionnistes de l’époque.

Les photographies exposées ci-après et réalisées par les photographes new-yorkais Charles Paxson, Myron H. Kimball et James E. McClees, étaient vendues sous deux formats différents de « cartes photographiques », les grandes valant un dollar et les petites ving-cinq cents. Ces sommes étaient reversées au bénéfice des nouvelles écoles réservées à la population émancipée de la Louisiane.

Ces portraits furent également publiés par la revue hebdomadaire, Harper’s Weekly, le 30 janvier 1864.

 

Une demande forte en main d’œuvre

Diverses causes furent sous-jacentes à cette campagne. En premier lieu, un besoin important et croissant de main-d’œuvre à bas coûts dans les Etats du Nord dont l’essor industriel était fulgurant.

En 1864, date à laquelle ces photographies ont été prises, la guerre entre les États du Nord, protectionnistes et égalitaires face à ceux du Sud, libre-échangistes et esclavagistes, faisait encore rage et devenait de plus en plus impopulaire dans les Etats industrialisés. De plus, la majorité de la classe moyenne blanche redoutait la concurrence des noirs libérés des Etats du sud qui accepteraient de travailler contre de bas salaires. Leurs convictions abolitionnistes faiblissaient et il fallait les rassurer sur leur propre avenir. Montrer sur une large échelle des photographies d’enfants de couleur blanche, nouvellement émancipés, se rendant à l’école et posant sagement face aux objectifs, devait persuader les classes moyennes qu’une bonne éducation allait transformer les esclaves en citoyens modèles.

 

Une volonté de culpabiliser les partisans d’une émancipation progressive

Les portraits d’enfants blancs furent utilisés afin de démontrer l‘absurdité de la règle de la « goutte de sang noir » et renforcer le mouvement abolitionniste contre la montée de leurs opposants. Ils devaient remuer les consciences en affirmant que l’humanité des noirs était égale à celle des blancs et en laissant craindre aux familles blanches du nord que leurs propres enfants pourraient être victimes de cette « institution particulière ».

En conclusion, ces photographies exceptionnelles sont les témoignages d’une Amérique du 19e siècle évoluant dans un tourbillon de guerre, d’abolition de l’esclavage et d’industrialisation, mais également de la complexité d’une histoire qui nous est commune aux Etats-Unis et aux Antilles. Elles nous alertent aussi sur certaines formes de pouvoir qui aboutissent à l’asservissement et à l’anéantissement d’êtres humains quelles que soient leurs couleurs de peaux ou leurs origines ethniques.

 

Aurore Holmes

 

Crédit photo: Library of Congress / D'après les thèses d'Anjuli J. Lebowitz et Celia Caust-Ellenbogen.

 

Articles :

https://www.huffpost.com/entry/white-slave-children-of-n_n_1307127

https://rarehistoricalphotos.com/story-of-isaac-and-rosa-emancipated-slave-children/

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