J'ai lu pour vous Le Passeur de rimes

Publié le par Aurore Holmes

J'ai lu pour vous Le Passeur de rimes

Le passeur de rimes d’Emmanuel de Reynal

 

Les premiers mots venant à l’esprit en lisant ce livre, sont la conscience augmentée ainsi que la symbolique du chiffre neuf. Nulle flatterie, nul charlatanisme en introduisant ainsi mes impressions sur l’œuvre de l’écrivain Emmanuel de Reynal, Le passeur de rimes.

Ensuite, vient à l’esprit cette question accrochée à la terre par ses racines profondes : Mais où va-t-il ? Que cherche-t-il, tel un alpiniste gravissant les sommets de l’Himalaya dans une quête spirituelle indéfinissable ? Enfin survient ce tableau « Le Radeau de la Méduse » de Théodore Géricault, où le tragique se dresse sous le drapeau de la liberté, où la beauté côtoie impunément l’horreur et les bassesses humaines.

Oui, le passeur de rimes est aussi intense qu’une œuvre picturale où les coups d’écriture densifient les esquisses des personnages, où les techniques du clair obscur magnifient les paysages :

« L’un écrasé par le soleil côtier, l’autre trempé par les brumes d’altitude. Tous deux méfiants du volcan. » - E. de Reynal.

 

Ce roman est un voyage existentiel conjugué à une enquête parsemée de poèmes tissant une intrigue prenante et originale. Cette alliance d’un scénario structuré et d’interrogations métaphysiques démontre à la fois une continuité et un dépassement de l’écrivain dans la maîtrise de son art.

Que signifie le titre du roman « passeur de rimes » ? Cette note de lecture ne révèlera que des indices : passeur des Enfers, passeur d’âmes, passeur de rêves. Des expressions révélant les liens d’un monde à un autre, celui du poétique au réel, celui aussi, profondément mystique des morts aux vivants, ou encore du passé au présent.

« Ici, c’est le royaume des ombres, du sommeil et de la nuit qui endort : transporter dans la barque stygienne des corps en vie est interdit. » (Virgile, Énéide). Le poète latin cite, en s’adressant à Charon, celui qui conduit la barque sur l’autre rivage, l’interdiction d’emmener les vivants. Mais Virgile est aussi celui qui écrit l’Eneide en hexamètres dactyliques, vers de six pieds, précurseurs des hémistiches composant les alexandrins. Ces alexandrins rythment le roman de façon inattendue, ponts entre les espaces géographiques, les espaces temps, les générations vivantes.

Revenons à la symbolique du chiffre neuf et à l’œuvre de Théodore Géricault. Les significations mystiques de neuf sont : l’initiation, l’ouverture sur l’universel, l’aboutissement d’un cycle, la sagesse, la fin et la renaissance, la tension vers un idéal, l’unité dans sa multiplicité. Le neuf est aussi une puissance de trois, trois se traduisant en triangles. Le tableau de Géricault semble se composer de triangles, le plus évident étant le mât hasardeusement dressé sur un radeau de fortune. Toutes les symboliques, les diagonales, y sont aussi condensées que dans le roman d’Emmanuel de Reynal Le passeur de rimes : le passé, le présent, l’avenir et la transmission des histoires qui en découle, puis la terreur, la mort sur la gauche et la vie, la renaissance sur la droite.

Tant de sens sont révélés par Le passeur de rimes, mais nous les résumerons afin de préserver le délicieux suspens de sa lecture, de sa découverte.

Ce roman est à la fois un merveilleux hommage à ceux qui nous ont précédés et un hymne ponctué d’une poésie puissante en alexandrins, aux villes de Saint Pierre et du Morne Rouge. A l’approche de la célébration de l’éruption volcanique du 8 mai 1902, ces écrits portent la résonance particulière d’un recueillement du peuple martiniquais autour de ce drame.

Le personnage principal du livre est le messager de la ligne directrice : la transmission, transmision des histoires, transmission culturelle, éducative, générationnelle, ainsi que celle persistante et en filigrane des morts aux vivants. Le passé est prégnant malgré les victoires du présent et ses marques de ruptures, ruptures de générations, ruptures sentimentales, ruptures géographiques. La vie s’adosse à la mort et l’enfer s’habille des atours du Paradis, la renaissance se dresse dans les cendres du malheur, l’horreur est source de miracles, la face étant indissociable de l’envers.

Le passeur de rimes est un voyage en continuité des romans précédents de l’écrivain, Emmanuel de Reynal. Cependant, il nous surprend par ses différences. Le rythme stylistique court, rapide, brosse une réalité scénique prenante. La prise de conscience des lieux nous invite à la traversée des océans pour nous retrouver dans un héritage temporel semblable, unificateur. On y redécouvre l’innocence de nos enfances. On prend la mesure d’une nature vierge qui ébranle nos certitudes lorsque soudain, devenue colérique, elle emporte des vies. Et surtout, ce voyage spatial est doublé d’une intrigue quasi policière et très originale où règne l’ombre du mystère artistique.

 

En conclusion, Le passeur de rimes, est un bijou littéraire. Centré sur l’île de la Martinique, il se révèle universel. Embarquez-vous sans aucune hésitation dans ce voyage des rimes.

 

Aurore Holmes

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