Dido Elizabeth Belle et le juge William Murray

Publié le par Aurore Holmes

Dido Elizabeth Belle et le juge William Murray

L'histoire de Dido Elizabeth Belle et parallèlement de Lord William Murray donnent un éclairage sur les contradictions et les tiraillements d'une époque, particulièrement la fin du du 18e siècle durant lesquels impératifs économiques et sociaux, humanité et conscience du bien et du mal trouvaient difficilement un équilibre. Dido Elizabeth Belle, née d'une mère esclave, fut recueillie par l'oncle de John Lindsay alors juge d'Angleterre. Cette relation influa certainement sur le cours de l'histoire avec deux affaires : Somerset contre Stewart et le massacre de Zong.

Dido Elizabeth Belle est née en 1761, dans les Antilles britanniques, probablement en Jamaïque. Sa mère africaine, Maria Belle était détenue comme esclave dans un navire espagnol lorsque ce dernier fut capturé par les forces de la marine royale britannique sous le commandement du capitaine John Lindsay (1737-1788).

Après avoir servi en tant que Commandant en chef pour la flotte de la Floride ouest à Pensacola, John Lindsay retourne à Londres en 1765 avec Dido Elizabeth, sa fille métisse et Maria Belle.

Dido fut baptisée en novembre 1766 à Saint George, Bloomsbury, mais ne fut pas reconnue par son père. Elle fut élevée par l’oncle de John Lindsay, William Murray, premier Earl of Mansfield (compte de Mansfield), homme politique et juge britannique. Le juge Murray n’avait pas d’enfants et avait également pris sous sa protection Lady Elizabeth Mary Finch-Hatton, une grande nièce. D’où ce tableau peint par David Martin et en couverture de cet article, où les deux jeunes femmes semblent baigner dans un environnement aimant.

John Lindsay se maria avec Mary Milner (1740-1799) en 1768, mais ils n’eurent pas d’enfants. Maria Belle, mère de Dido, était toujours en Angleterre avec Lindsay jusqu’en 1774. Elle fut affranchie cette année-là et Lindsay lui céda un terrain à Pensacola (Floride) sur lequel elle devait construire une maison durant les dix ans à venir.

Dido Elizabeth Belle et le juge William Murray

Dido Belle vécut pendant 31 ans à Kenwood House avec la famille Murray. Il semble que lui fût confié la gestion du domaine et qu’elle tint un rôle d’assistante personnelle du comte de Mansfield. Après la mort de son oncle en mars 1793, elle épousa John Davinier, un intendant Français, le 5 décembre 1793 à St. George's, Hanover Square.

Lord Mansfield

Lord Mansfield

William Murray, comte de Mansfield joua un rôle décisif dans l’émancipation des esclaves sur le sol anglais, à l’occasion de deux affaires portées devant lui, quoique ses conclusions laissent apparaître des ambigüités probablement dues à sa position sociale et à sa vision des contraintes économiques du Royaume Uni et l’obligeant soit à retarder un procès, soit à saisir des opportunités devant le libérer d’un poids de conscience.

Dans le procès Somerset contre Stewart, en 1772, un maître réclamait le retour, dans les îles, de l’un de « ses » esclaves qui s’était échappé. Murray émit la conclusion suivante :

« La condition de l’esclavage est d’une telle nature qu’il est impossible qu’elle soit introduite pour quelle que raison que ce soit, morale ou politique, mais seulement par le droit positif qui, lui, préserve sa force longtemps après que les motifs, les circonstances et le temps lui-même à partir duquel il fut créé, ont disparu de la mémoire. Cette condition est si odieuse qu’aucune chose ne pourrait souffrir de la justifier autrement que par la loi positive. Quelles que soient les inconvénients qui pourraient suivre une décision, je ne peux affirmer que ce cas est autorisé ou approuvé par la loi d’Angleterre ; et par conséquent le noir [l’homme noir] doit être acquitté. »

Cette décision devint un argument pour les abolitionnistes pour faire disparaître l’esclavage sur le sol d’Angleterre.

La seconde affaire fut le massacre de Zong en 1781. Plus de 130 esclaves furent jetés par-dessus bord par l’équipage du navire Zong. L’organisation William Gregson, basée à Liverpool, était propriétaire de ce bateau engagé dans le commerce des esclaves. Ils avaient pris une assurance sur la vie des Africains esclavisés. L’équipage donnait comme argument que les réserves d’eau n’étaient plus suffisantes. Les propriétaires du bateau firent une requête auprès de leurs assureurs pour la perte de leurs esclaves. Les assureurs refusèrent de payer.

Ce fut le procès Gregson contre Gilbert en 1783.

Lors de l’audience, un témoin rapporta qu’il y eut de fortes pluies tombées sur le navire. Le juge Murray demanda un nouveau procès sur la base de ces nouveaux faits ainsi que sur des preuves d’erreurs commises par le capitaine. Il conclut que les assureurs n’étaient pas responsables des « pertes subies » par l’organisation William Gregson.

A l’époque, il était fortement question de l’expérience personnelle de William Murray ayant mis sous sa protection et éduquant Dido Elizabeth Belle et que cela aurait pu influencer ses décisions dans les affaires ci-dessus.

Thomas Hutchinson, un ancien gouverneur de Massachussetts venu s’installer à Londres et ami de Murray, écrit dans son journal qu’il se rappelle d’un commentaire émis par un propriétaire d’esclaves :

"A few years ago there was a cause before his Lordship brought by a Black for recovery of his liberty. A Jamaica planter, being asked what judgment his Lordship would give [answered] 'No doubt ... he will be set free, for Lord Mansfield keeps a Black in his house which governs him and the whole family. »

[Il y a de cela quelques années, il y eut un procès devant notre Lord (Murray) porté par un noir pour retrouver sa liberté (affaire Somerset). Un planteur jamaïcain auquel on demandait quelle décision notre Lord donnerait, répondit ‘Aucun doute… Il lui donnera la liberté, car Lord Mansfield (Murray) garde une noire dans sa maison et c’est elle qui le gouverne lui et sa famille entière.']

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